Le narrateur est un vieil homme dont la voix se confond avec celle du garçon qu'il fut au moment de la Libé-ration. Un jour, dans la ville de province où il avait été laissé en pension pendant la guerre, il assiste à la tonsure des femmes accusées d'avoir couché avec des allemands. Il se trouve là, sur cette place où a lieu l'infamie, il ne s'en va pas, il reste, regarde, et le narrateur n'a pas de mots assez durs pour qualifier ce regard qui s'attarde et, ce faisant, devient complice de l'horreur. Le jeune garçon se rappelle aussi qu'il a été pris en otage quelques semaines plus tôt par un bataillon alle-mand et envoyé en éclaireur par les autres, "les grands", pour faciliter leur évasion. Il parlera de la dernière femme qui fut tondue, une très jeune fille, qu'il reverra ce même jour, plus tard, traverser seule cette même place avec une valise trop lourde et qu'il voudra aider. L'auteur à son tour se fait témoin de l'enfant, il évoque la guerre, le nazisme, les crimes. La voix qu'on entend est singulière, bouleversante. Elle n'est jamais pathétique, elle ne dit pas " je " pour chercher à gagner une quelconque sympathie, une adhésion, elle ne s'approche du lecteur que pour désigner la honte, là-bas, et le silence. Mais le texte est porté par une voix seconde, celle qu'on perçoit quand un silence de cinquante ans se lève sur un souvenir d'enfance. L'image des femmes tondues à la libération est restée la scène primitive d'un enfant, aujourd'hui homme vieillissant.

« Le ciel littéraire est parfois traversé par quelques comètes qui marquent à jamais les chanceux, témoins de cette trace fugitive de lumière sur fond d'encre. [...] Il faut lire Philippe S. Hadengue. Absolument. Ses textes tranchent par une éblouissante rigueur poétique et conceptuelle. »
Fabrice Lanfranchi, L'Humanité.