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La tourmente financière qui s'est abattue sur l'Asie orientale a surpris l'opinion et apporté un singulier démenti à l'idée que ses performances économiques étaient liées aux prétendues valeurs asiatiques: la discipline collective, la moralité, l'épargne...

Les petits dragons puis la Chine et l'Asie du Sud-Est ont suivi le Japon sur la voie de la croissance, mais celle-ci abritait des déséquilibres qui sont la vraie cause de la crise financière. Déséquilibres sociaux d'abord, car les grandes villes qui ont poussé partout comme des champignons ont bouleversé la structure même des sociétés, ce qui les rendra plus fragiles si la croissance s'arrête. Déséquilibres politiques ensuite, car le modèle démocratique qu'offrait le Japon n'a pas fait école. Or le dynamisme des économies et la fin de la guerre froide ont renforcé les Etats et, du même coup, encouragé les régimes autoritaires. Ceux-ci sauront-ils s'adapter aux changements? A Bangkok ou à Séoul, la rue a commencé à demander des explications aux dirigeants. En Indonésie, la répression semble pour l'instant la seule solution.

L'Asie est-elle en train de devenir une région sans foi ni loi? Les actes de piraterie en mer de Chine et dans les détroits ne sont certes pas une guerre commerciale, mais ils illustrent de façon spectaculaire les tensions entre les pays de la région. Dans cette lointaine partie du monde, les organisations régionales ont montré leurs faiblesses en misant trop exclusivement sur leurs intérêts économiques communs, qui devaient être le garant de leur sécurité.

Cette régionalisation n'a donc rapproché ni les sociétés ni les Etats. Et ceux-ci depuis quelques années se sont plus souciés de moderniser leurs armées que de régler les conflits hérités du passé. Or déjà d'autres menaces se dessinent, liées aux relations dangereuses qu'entretiennent les deux géants: la Chine, qui représente 70 % de la population d'Asie orientale, et le richissime Japon, toujours puissamment attaché aux Etats-Unis. La poursuite de leurs divisions ne pourrait qu'encourager la fragmentation d'une région aujourd'hui défaite.

Jean-Luc Domenach, directeur scientifique de la FNSP, est spécialiste des questions asiatiques. Il est l'auteur, entre autres, de Chine: l'archipel oublié (Fayard, 1992).