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Leconte de Lisle ou la Passion du beau

Christophe Carrère

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Jusqu’à sa mort Leconte de Lisle a fait preuve d’une telle discrétion sur sa vie privée et il a été si peu à l’honneur, qu’on pouvait avoir l’impression qu’il avait « à peine vécu », qu’il tendait vers le pur esprit. Très tôt, sa vocation de poète pour lui ne fait aucun doute. Cet écrivain iconolâtre et autodidacte, boudé du grand public jusque vers 1870, vit dans la pauvreté et dans une relative solitude. Il fonde une revue littéraire à Rennes en 1840, collabore à celles de l’école fouriériste, reçoit l’enseignement de son ami Louis Ménard et fréquente le salon de Louise Colet, avec Flaubert, en 1853. Mais surtout, à partir de 1864, il prend la tête d’un cénacle ou d’une école qui sera dite « parnassienne », et qui, malgré quelques vicissitudes, se maintiendra jusqu’à la fin du siècle.
Tous les écrivains et poètes importants d’alors lisent et relisent Leconte de Lisle, se nourrissent de sa poésie, même lorsqu’ils prétendent s’en détacher, comme Verlaine ou Mallarmé, ou la contester, comme Moréas ou Richepin : Gide, Valéry, Proust, Louÿs, Péguy, etc.
L’œuvre du traducteur est également considérable…
Héritier de Hegel, influencé par Renan, Leconte de Lisle s’est placé sur l’axe essentiel de son époque : celui de la fin de l’Histoire et de la substitution de l’histoire des religions aux religions elles-mêmes. Sa poésie impose une problématique difficile mais réaliste du temps et de l’éternité, qui n’a rien d’une architecture figée. Si les sujets qui le passionnent sont théologiques ou mythologiques, ils contiennent toutes les préoccupations d’un siècle en pleine crise morale et religieuse, en pleine mutation politique et économique.
Christophe Carrère a voulu réhabiliter cet artiste incomparable venu de l’océan Indien, moderne, quoi qu’on en dise, et qui n’a jamais été tout à fait accepté, ni par les Créoles de la Réunion ni par les Français de métropole. Paria des lettres françaises, tourmenté entre deux natures, sensible à l’extrême, séducteur, amoureux, vulnérable souvent, parfois drôle, sympathique même, il se distingue ici nettement du Leconte de Lisle officiel tel que les chroniques nous le décrivent à longueur de colonnes, inaccessible et glacial avec « sa tête bien caractéristique », ses « grands cheveux blancs arrondis à la vénitienne retombant tout autour de sa figure », son « second menton énorme se détachant sur son col ouvert », et ce légendaire « monocle de buffle noir sur son œil droit ».

Christophe Carrère est docteur ès lettres. En 1994, il lit pour la première fois le recueil de Leconte de Lisle, les Poèmes barbares, qui lui procure un tel choc esthétique qu’il décide de consacrer ses recherches à ce poète mal connu, pourtant l’un des plus grands de tout le XIXe siècle.