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Publiés aux Etats-Unis en 1972, les Carnets de Francis Scott Fitzgerald sont une oeuvre à part entière, méconnue, et une opération sans prix, restée inabordable. Leur publication en France sera sans doute l'occasion, avec trente ans de recul, de prendre la mesure de l'avance exceptionnelle de Fitzgerald, acquise très tôt et confortée sur le front d'une guerre intime (sa femme, Zelda), économique (le krach boursier) et esthétique (la nouvelle donne hollywoodienne).
Ces Carnets ont été composés entre mars 1932 et décembre 1940, date de la mort de Fitzgerald. 1932, c'est l'approfondissement de la dépression économique aux Etats-Unis et aussi l'aggravation de la dépression nerveuse de Zelda - événements qui vont affecter au plus haut point la liberté de mouvement et d'écriture de Fitzgerald. Il prend vite conscience de ces deux menaces et surtout du lien obscur, ténébreux, qui les unit. Les Carnets sont le journal de bord de cette traversée de la nuit américaine, ce faux jour du spectacle. Fitzgerald, un temps en panne ou en suspens, commence par découper des phrases dans ses vieux carnets, dans des nouvelles non publiées, dans des chapitres abandonnés, et par les rassembler dans ce nouveau carnet. Ce qu'il appelle avec malice son « livre des erreurs » s'ordonne selon un classement alphabétique, curieux alphabet de vingt-trois lettres. Des notes nouvelles viennent s'y incorporer et l'ensemble devient ainsi la sentinelle de son sommeil et de sa veille.
Récit diffracté d'une décennie particulièrement sombre, où l'on peut lire bien des signes avant-coureurs de la violence à laquelle tout écrivain véritable est aujourd'hui confronté, ces Carnets permettent de découvrir des aspects occultés de la personnalité de Fitzgerald : ironie, insolence, goût du libertinage, humour, intelligence extrême, insouciance, élégance, confiance sans bornes, lucidité sans pitié.

Illustration de couverture : © D.R. Zelda Fitzgerald