Vendredi 20 avril.
(...) Quant à la tombe de Rilke, elle est creusée un peu à l?écart de la plupart des autres, contre le mur de l?église, du côté de la vallée, du parapet de la terrasse et du vide. On y voit gravés ces trois vers : Rose, oh reiner Widerspruch Lust / Niemandes Schlaf zu sein unter soviel / Lidern ? Rose, ô pure contradiction de n?être, sous tant de paupières, le sommeil de personne.
Ou bien Personne ? Quoi qu?il en soit, dans ce sommeil-là nous n?en finissons pas d?errer comme des ombres ? la preuve. Celan lui-même a bien dû nous y précéder, ne serait-ce que pour un adieu ; et pour cueillir au bord de ce caveau, est-ce qu?on ne le jurerait pas, sa Niemandsrose ?
Gelobt seist du, Niemand. Dir zulieb wollen Wir blühn.
Béni sois-tu, Personne ! Au demeurant, toute cette éminence est exquise, entre les tombes ; et d?autant plus bucolique que le regard, du côté de la montagne, peut gagner directement les alpages et le rocher, leur solitude, leur rudesse, leur éloignement altier du cours des choses.