Un Coup de Dés jamais n'abolira le Hasard constitue, dans l'histoire de la poésie moderne, peut-être la rupture la plus radicale: lignes éclatées sur tout l'espace de la double page, jeu sur la taille des caractères qui emprunte au procédé de l'affiche, multiplication des incises qui déroutent la lecture. Mais son intrigue est plus étrange encore, qui résiste toujours à une pleine élucidation. On y rencontre un naufrage, et un Maître, bientôt noyé à son tour, qui tient en son poing les dés qu'il hésite à lancer en face des flots furieux. Le héros pressent que le résultat de l'envoi, s'il avait lieu, devrait être extraordinairement important: un Nombre qu'on dit "unique", et "qui ne peut pas être un autre". Le point décisif de l'investigation proposée- ce qui en fait la nouveauté- tient à une découverte, déstabilisante et simple comme un jeu d'enfant. Toutes les dimensions du Nombre, on le comprend progressivement, ne s'articulent entre elles qu'à une seule condition: que ce Nombre nous soit ultimement délivré par un code secret, enfoui dans le Coup de dés comme la clé qui ouvre enfin à tous ses dispositifs. Alors se dévoile aussi la signification de cette sirène, surgie le temps d'une fulgurance parmi les débris du naufrage: elle est le cœur vivant d'un drame en train de se produire. Étude littéraire minutieuse, enquête policière à la Edgar Poe, chasse au trésor digne des romans d'aventure- tel est le clavier dont il faut jouer pour déchiffrer la partition cachée d'un poème sans pareil.