«Les inégalités relatives au statut du travail devraient occuper la place centrale du débat social. A les considérer dans le cadre restreint des entités nationales, ces inégalités sont déjà considérables. Alors que, par leur naissance, leurs dons physiques et intellectuels, leur éducation, certains peuvent connaître sans effort l'inestimable avantage d'exercer une activité qui leur vaille reconnaissance sociale et narcissique, d'autres sont condamnés à des tâches qui, selon une loi immuable depuis les origines de l'humanité, combinent à peu près toutes les nuisances : promiscuité avec l'inerte, domestication de l'ordre, faible rémunération et absence de considération allant jusqu'au mépris qui incite l'homme à se méconnaître. <br />
«A étendre au monde tout entier le champ d'appréciation de ces inégalités, le statut de l'homme au travail présente des disparités qui laissent ou révolté ou songeur. Plus de la moitié vivent le sort du paysan moyenâgeux, sinon celui des esclaves des communautés urbaines du néolithique. Presque tous les autres éprouvent la dure condition ouvrière ou l'état résigné des employés que réserve la grande époque de la conscience rusée. Un grand nombre, au chômage, regardent passer le train du progrès scientifique ou essaient d'y prendre place au risque de leur santé ou de leur vie. Il n'est qu'un nombre infime à avoir renversé la plus vieille des condamnations humaines, à s'illuminer du feu prométhéen.
« Une telle inégalité vient du fond des âges et de notre condition. Qu'elle révolte mais, aussi, rassure. Autant que le progrès scientifique, elle est espoir et gage de future vigueur. »
Alain Cotta est professeur de sciences économiques à l'université Dauphine et à l'école des H.E.C. Il s'intéresse en particulier à l'évolution des économies occidentales, au ralentissement de leur croissance depuis dix ans et aux mutations de leurs modes de vie.